Le précurseur


Un peintre important mais méconnu

1. «Pourquoi me parlez-vous toujours de Vélasquez ? Le Greco est là !» Cette citation de Picasso illustre bien toute la question entourant un immense représentant de la peinture espagnole du siècle d’or: un peintre important mais néanmoins beaucoup moins connu que Vélasquez.

L’art byzantin

2. Le Greco n’était pas espagnol mais grec. Né en 1541 en Crète, sous le nom de Domenikis Theotokopoulos, il commence sa vie d’artiste comme peintre d’icônes. La Crète est en effet imprégnée de culture byzantine car elle a fait partie de l’empire romain d'Orient jusqu’au 13ème siècle. C’est donc tout naturellement que le jeune Domenikis apprend à peindre à la manière des Byzantins: des icônes sur fond d’or.

Venise

3. Mais Theotokopoulos, conscient de son talent, a envie de changement. Il a entendu parler de Titien, le grand maître de la peinture vénitienne et comme la Crète fait maintenant partie de la république de Venise, il s’y installe en 1568. C’est un éblouissement pour le jeune peintre crétois. Venise, alors au sommet de son rayonnement artistique, regorge de peintres exceptionnels. Il y a le vieux Titien bien sûr mais aussi Tintoret et Véronèse. Trois géants de la Renaissance italienne auprès de qui Theotokopoulos va beaucoup apprendre.

Rome

4. En 1570, Domenikis Theotokopoulos se rend à Rome alors la capitale mondiale de l’art. Le plus célèbre artiste romain n’est autre que Michel-Ange, le sculpteur et peintre de génie, créateur des fameuses fresques de la Chapelle Sixtine. Mais le peintre crétois n’apprécie pas son travail. Il note par exemple que Michel-Ange «ne sait peindre ni les cheveux, ni les peaux.» A-t-il écrit cela par jalousie, par dépit ou parce qu’il le pensait vraiment ? Nul le sait. Ce qui est certain, c’est qu’en 1578, il quitte Rome et part s’installer en Espagne. Définitivement.

L'Espagne

5. L’Espagne du 16ème siècle est un royaume riche et puissant qui s’étend bien au-delà des frontières que nous connaissons aujourd’hui. Le roi, Philippe II s’est fait construire un immense palais, L’Escurial. Il a besoin d’artistes pour le décorer. Theotokopoulos arrive au bon moment et il est immédiatement sollicité pour peindre le martyre de Saint Maurice, un soldat romain qui aurait été mis à mort pour avoir refusé de massacrer les Chrétiens de la petite ville suisse d’Octodure.

Tolède

6. Mais la toile ne plait pas à Philippe II. Il reproche en effet au «Grec» (c’est ainsi qu’on le surnomme ici) d’avoir placé la scène du martyre au second plan. Le Greco comprend que sa place n’est pas à Madrid auprès des autorités et s’installe à Tolède, le véritable centre artistique et intellectuel de l’Espagne de cette époque.

Chef-d'œuvres

7. Cette fois, le succès est au rendez-vous et les commandes affluent. Le Greco va produire beaucoup de chef d’œuvres comme Le partage de la tunique du Christ (1577), L’enterrement du comte d’Orgaz (1586) ou Jésus chassant les marchands du temple dont il peindra quatre versions différentes entre 1570 et 1600. Mais le Greco ne se cantonne pas seulement à la peinture religieuse. Il peint aussi des portraits dont certains deviendront célèbres comme celui du Frère Hortensio Félix Paravicino (1609).

Oublié puis redécouvert

8. Si l’œuvre du Greco appartient au mouvement maniériste typique de cette époque de la Renaissance, son style, reconnaissable entre tous, est unique. Les formes allongées de ses personnages avec leurs proportions inhabituelles, les couleurs vives et contrastées de ses tableaux, souvent éloignées de la réalité ont contribué à faire de lui un précurseur. Greco qui mourut en 1614 fut oublié pendant des siècles. Il ne fut redécouvert qu’au début du 20ème. On comprend pourquoi Picasso l’admirait.