La tendresse et le rêve


Une peinture calme

1. Connais-tu Marc Chagall, ce peintre-poète qui disait: «J'ai l'impression que je suis né entre ciel et terre». Il est, sans doute, l'un des plus grands peintres du 20ème siècle. Il est mort au printemps 1985

Né deux fois

2. Chagall aimait dire qu'il était né deux fois. Une première fois à Vitebsk, en Russie, en 1887. Une deuxième fois, lors de son arrivée à Paris, en 1910, à l'âge de vingt-trois ans. Importante double naissance! C'est elle qui rend sa peinture un peu (ou beaucoup!) déroutante, étrange, pour ceux qui ne sont nés... qu'une fois.

L'Est et l'Ouest

3. Car, dans cet homme, deux sensibilités se rencontrent. Celle de l'Orient, mystique ; celle de l'Occident, logique. Il était un Européen de l'Europe entière, celle de l'Ouest et celle de l'Est: "Je suis français. Je suis né en Russie."

Juif russe de naissance

4. Son enfance dans le faubourg juif de la ville de Vitebsk nourrira son œuvre jusqu'à la fin de sa vie. Son père travaillait dur dans une poissonnerie, c'était un juif pieux qui récitait fidèlement ses prières. Sa mère élevait ses huit enfants. La maison familiale était située au milieu de simples cabanes de bois, entourées de petits jardins et de cours où se promenaient volailles, chèvres, vaches, toute cette «ménagerie» que l'on retrouve dans les peintures de Chagall.

Français d'adoption

5. A la fin de l'été 1910, Chagall débarque à Paris, après quatre jours de voyage en train. La lumière de cette ville l'éblouit, «la lumière-liberté», comme il la nommera. Il promène longuement son regard étonné d'étranger. Là, le jeune Chagall fréquente ces peintres qui ont nom Picasso, Braque, Matisse, Léger, Delaunay. Il étonne les poètes: Cendrars qui parlait un peu russe, Apollinaire et André Breton. Ils l'aiment parce que sa peinture excite leur imagination: le rêve et la vie s'emmêlent. Et dans cette France qui l'accueille et qu'il a choisie, il apporte sa façon bien à lui de voir le monde. Chaque tableau devient, pour lui, un espace magique, où il fait surgir ses images, images de ses souvenirs, de ses rêves.

Un peintre pour le rêve

6. A chacune de ses images, Chagall laisse la liberté du rêve. Alors, la vache peut bien se tenir sur le toit d'une maison, les gens peuvent bien marcher tête en bas, et un poisson jouer du violon, le passé côtoyer le présent, le visible l' invisible, et le ciel toucher terre. "Si l'art n'a pas une certaine réalité, il n'est pas réel", aimait-il à dire.

Un peintre pour le conte

7. Chagall est un conteur. Un conteur en couleurs. Souvent, sur une toile, il met ensemble les épisodes successifs d'une même histoire. Le tableau Moi et le village fait penser à un kaléidoscope, ce cylindre magique où, par un jeu de miroirs, les fragments de verre se croisent en une multitude d'images. Ici, les éclats de vie s'organisent autour d'un cercle central. Tout se mêle, passé, présent, fantastique. Chagall s'est représenté à droite, visage vert, lèvres blanches. Les yeux dans les yeux d'une vache blanche, il fait surgir les maisons de bois peintes, la fermière qui trait la vache, l'homme qui va faucher le pré. Mais … comme c'est étrange ! Certaines maisons sont piquées sur la pointe du toit, une femme a la tête en bas … C'est un rêve.

Un peintre pour l'amour

8. «L'amour, il n'y a que ça» répétait Chagall à la fin de sa vie. S'il fallait trouver absolument un mot pour caractériser son œuvre c'est doute sur le mot «tendre» que l'on s'accorderait. Chagall ou la tendresse du monde. Tendresse pour l'homme et femme, tendresse pour la femme et l'enfant. Tendresse pour le vagabond sur ses routes d'errance. Tendresse pour les animaux et les fleurs. Tendresse pour cette création inépuisable, couleur de terre, couleur de ciel. Oui, Chagall ou: quand la peinture n'est plus rien d'autre qu'une façon d'aimer.
Est-ce pour cela que, le jour de sa mort, le journal Le Monde écrivait:: «Chagall disparaît, un enfant meurt.»