La chapelle Sixtine


1. "Je vis ici dans une grande angoisse, avec une très lourde fatigue. Je n'ai aucune sorte d'ami, je n'en veux pas et je n'ai pas assez de temps pour manger comme il le faudrait…" Ainsi s'exprime Michel-Ange sur son état pitoyable, dans une lettre adressée à son frère en 1509. Pourquoi l'artiste se plaint-il ?

Un sculpteur

2. Depuis un an déjà, il vit une aventure assez extraordinaire et qui va durer quatre ans. Perché sur un échafaudage de 20 mètres de haut, la plupart du temps sur le dos ou accroupi, Michel-Ange peint le plafond d'une chapelle romaine: la chapelle Sixtine. Pourtant, rien ne destinait Michel-Ange à concevoir une œuvre aussi grande. Car Michel-Ange n'est pas un peintre: c'est un sculpteur.

Florence

3. Tout commence en 1488 à Florence, le berceau de la Renaissance italienne. Michel-Ange est alors âgé de 13 ans. Son père, qui a remarqué les dons artistiques de son fils, le fait entrer dans l'atelier du plus grand peintre de fresques de l'époque : Domenico Ghirlandaio. Le jeune Michel-Ange doit y rester trois ans. Mais, au bout d'un an, les dessins de l'élève sont si exceptionnels qu'ils dépassent ceux du maître. Le jeune Michel-Ange s'oriente alors vers la sculpture.

La Pietà

4. Michel-Ange se fait remarquer par le prince de Florence, Laurent de Médicis dit le Magnifique. En 1498, dans un bloc de marbre blanc qu'il a lui-même choisi, Michel-Ange sculpte une œuvre admirable: la Vierge Marie recevant son fils mort dans ses bras. Ébloui par cette Pietà, c'est à Michel-Ange que le pape Jules II commande les sculptures de son tombeau. Un an après, il annule son projet et demande à Michel-Ange de peindre le plafond d'une chapelle du Vatican. L'artiste refuse tout net : «Je suis sculpteur moi, je ne suis pas peintre.» Pendant des mois, le pape le supplie, le menace, le cajole, lui offre des ponts d'or ... Finalement, Michel-Ange accepte.

La Chapelle Sixtine

5. En 1508, il pénètre dans cette chapelle, que l'on appelle «Sixtine», parce qu'elle a été construite sous le précédent pape, Sixte IV. Là-haut, à plus de vingt mètres, la grande voûte, légèrement bombée, n'est qu'un immense espace bleu semé d'étoiles…

Quatre ans sur le dos

6. Michel-Ange se met au travail. Des ouvriers dressent les échafaudages qui lui permettront d'atteindre le plafond. Pendant ce temps, il dessine les scènes, les visages, les corps qui jaillissent de son imagination. Il réalise des dizaines, des centaines d'esquisses . Enfin, Michel-Ange grimpe sur son échafaudage. Pendant près de quatre ans, il va passer ses journées là-haut, à genoux, accroupi, ou couché sur le dos. Dans ces positions inconfortables, il doit travailler vite, sans hésiter, car la technique de la fresque ne permet aucune retouche.

Sans aide

7. Pour l'aider, Michel-Ange fait venir de jeunes artistes de Florence. Mais il ne peut les supporter longtemps. Il préfère travailler seul. Loin de l'humeur sombre du maître, quelques apprentis lui préparent ses couleurs. Seul le pape ose troubler cette solitude. Michel-Ange met tout son génie à retracer l'histoire de la création de l'homme et de l'univers, telle que la racontent les premiers chapitres de la Bible: la Genèse. Dans l'espace central, les scènes de la Création se succèdent. Jusqu'à celle, unique, où le doigt de Dieu effleure la main du premier homme, pour lui donner la vie. L'artiste peint aussi Ève et le Paradis perdu, Noé et le déluge; et puis les ancêtres de Jésus et les prophètes.

Pas satisafait

8. Entre ces scènes, comme pour rappeler qu'il est d'abord un sculpteur, il répartit une vingtaine de jeunes gens, nus, qui ressemblent plus à des statues qu'à des peintures. En octobre 1512, Michel-Ange pose son pinceau. Il descend de son échafaudage, en disant : «Je ne suis pas satisfait, mais je ne peux pas mieux faire.» Le public romain, enthousiaste, découvre cette œuvre prodigieuse. Michel-Ange, lui, retourne à sa passion: les blocs de marbre. Le pape Jules II disait de Michel-Ange: «Il étonnera le monde !» Cinq siècles après, il l'étonne toujours.