Le tailleur de lumière


Une vocation tardive

1. C'est la crise d'appendicite la plus utile de l'histoire de l'art. Nous sommes en 1890, à Saint Quentin, une petite ville du nord de la France. Etendu sur son lit, un jeune homme vient d'être opéré. Il a mal et surtout, il s'ennuie car le chirurgien lui a annoncé qu'il devrait rester couché de longs mois. Alors, pour le distraire, sa mère lui apporte une boîte de peinture. Le jeune homme n'est pas peintre, Il est employé chez un notaire, une sorte de banquier. Il n'a jamais touché un pinceau de sa vie. Il s'appelle Henri Matisse, il est né 21 ans auparavant, en 1869.

Un bon élève

2. Pour Henri, cette expérience est extraordinaire. Immédiatement, il adore la couleur, la lumière, l'espace. A peine guéri, il s'inscrit dans une école de peinture. Il a trouvé: il sera peintre. Le jeune Matisse travaille beaucoup et apprend vite. Mais personne ne devient un artiste du jour au lendemain. Il copie les grands peintres.

Sans émotion, pas d'art

3. Petit à petit, Matisse trouve son style personnel. Il commence par peindre ce qu'il voit, les objets qui l'entourent. Copier fidèlement la nature ne l'intéresse pas. «Quand on est un artiste, observer et copier ne suffit pas» dit-il. Ce qui compte, c'est de «regarder avec son cœur, pour exprimer ensuite, sur le papier ou sur la toile, ce que l'on ressent.» Dès le début, Matisse a compris que, sans émotion, l'art n'existe pas.

Les Fauves

4. En 1905, il participe avec d'autres peintres à une grande exposition à Paris. Les œuvres exposées font sensation à cause des couleurs violentes qui s'étalent sur les toiles et des formes très simples qui composent les tableaux. Une des œuvres de Matisse, un portrait de sa femme intitulé «la Raie verte», retient l'attention : le front et le nez de son épouse sont dessinés avec une large bande d'un vert brillant. On trouve un surnom à ces nouveaux peintres: «les fauves» à cause de la sauvagerie de cette peinture qui choque.

La Danse

5. Le public est divisé. On aime ou on déteste. Personne n'est indifférent . Un collectionneur russe, Sergueï Chtchoukine tombe amoureux de la peinture de Matisse. Il a remarqué une toile différente des autres appelée «Le bonheur de vivre». Sur cette dernière, on voit des silhouettes nues, qui évoluent dans la nature, au bord de l'eau. Les couleurs sont vives et les personnages sont plus esquissés que vraiment dessinés. Dans un coin de la toile, on distingue nettement des danseurs nus qui font une espèce de farandole .

72 mètres carrés

6. Chtchoukine aime ce mouvement et commande à Matisse une toile de danseurs. Ces rondes, Matisse va en peindre souvent par la suite. Des années plus tard, en 1931, un autre très grand collectionneur, le Docteur Barnes, commande une immense fresque à Matisse pour décorer sa maison en Amérique. Ce sera une des plus grandes toiles exécutées par Matisse: 72 mètres carrés !

L'art de la simplicité

7. Matisse est maintenant très célèbre. Comme Picasso qui l'admire, il ne cesse de travailler et surtout de chercher des nouvelles formes d'expression artistique. L'éclat des couleurs de ses tableaux, ses dessins en noir et blanc, au crayon ou à la plume, ses collages, ses nus fascinent et enthousiasment un public de plus en plus nombreux. Quelle pureté de ligne dans cet iris , quelle simplicité dans cette branche ! Avec ses dessins au trait, ses collages, Matisse cherche à simplifier au maximum. C'est en se limitant toujours au trait essentiel qu'il nous touche le plus.

Un chercheur

8. Durant toute sa vie, Matisse n'a cessé d'être en quête . Mais que cherchait-il vraiment ? Quelques semaines avant sa mort en 1954, il nous donne un début de réponse: «A 82 ans, je suis resté le même … parce que tout le temps j'ai cherché les mêmes choses que j'ai peut-être réalisées avec des moyens différents.»